Selon une récente étude du cabinet de conseil Bain, le géant du e-commerce aurait toutes ses chances s’il décidait de proposer des services bancaires... Comment un supermarché en ligne a-t-il convaincu des millions de consommateurs ?
Après plusieurs mois de rumeurs selon lesquelles Amazon serait intéressé par une percée dans le secteur bancaire, la presse américaine a révélé en mars dernier que la firme de Seattle serait en discussion avec la banque JP Morgan au sujet d’un partenariat visant à proposer un compte bancaire à ses clients. Amazon n’a rien officialisé.
Une loyauté extrême de la part des clients
Si les consommateurs (américains, pour l’instant) se déclarent si enchantés à l’idée d’ouvrir un compte bancaire chez Amazon, c’est parce qu’ils espèrent optimiser les liens entre leurs achats et leurs services financiers (paiement, crédit, remises, etc.), mais aussi parce qu’ils entrevoient la perspective de bénéficier de la même expérience client que pour leurs achats en ligne. En l’occurrence, l’expérience Amazon, extrêmement robuste. Tellement robuste qu’elle a réussi à créer chez le client plus que de la fidélité, une loyauté extrême. Le consommateur non seulement achète chez Amazon, mais en parle autour de lui, y compris à des personnes qui n’ont jamais acheté sur le site du pure-player et en ont déjà une image très positive et très crédible.
Dans le cadre de son enquête, Bain mesure la loyauté des consommateurs à travers le Net Promoter Score, qui représente l’écart entre la proportion de « je recommanderais très probablement ce service à mes proches » et la part de « je ne le recommanderais pas du tout » : Amazon affiche un score de 47.
Dès lors, peu importe que la firme de Seattle soit « initialement » un grand bazar proposant tout et n’importe quoi. La recette d’une relation client réussie : une fréquence élevée d’interactions avec le consommateur, une relation commerciale qui couvre l’ensemble du parcours client, de la recherche de produits jusqu’aux retours, une présence auprès du consommateur partout où il se trouve (à la télévision, dans le téléphone portable, dans les appareils audio, à la maison avec l’enceinte intelligente Echo…), et surtout, une excellente qualité de service de bout en bout.
Quel que soit le produit, c’est la vision qui compte
Malgré des craintes nombreuses et sérieuses face à la prise de pouvoir et l’intrusion croissante des GAFA, et même si l’on se doute que les 250 millions de dollars de frais annuels de transaction bancaire qu’Amazon économiserait en proposant un compte bancaire ne sont qu’une goutte d’eau par rapport à la valeur des données qu’il collecterait sur les utilisateurs (comportements, goûts et habitudes, y compris hors ligne), les consommateurs sont prêts à lui donner leur blanc-seing. Parce qu’ils voient en lui beaucoup plus que le produit vendu : vêtements ou services financiers, peu importe, ce qui compte, c’est un parcours client incomparable. C’est cette qualité du service qui installe la confiance, la fidélité, et sur laquelle Amazon peut solidement s’appuyer pour s’éloigner allègrement de son cœur de métier.
Dans son discours « Start with why », l’auteur et conférencier Simon Sinek explique comment une marque peut vendre absolument tout ce qu’elle souhaite si elle parvient à traduire clairement son « pourquoi ». Il prend alors l’exemple d’Apple : « l’idée ne nous vient même pas d’acheter un lecteur MP3 chez Dell. Qui achèterait cela chez un constructeur informatique ? Pourtant, c’est ce que nous faisons tous les jours. Apple n’est qu’un constructeur informatique comme les autres ». Ce qui distingue selon lui la firme à la pomme, c’est de proposer non pas un produit, mais une révolution. Dès lors qu’une masse critique adhère à cette vision disruptive et achète les produits, le reste du marché suit en masse, et ce phénomène se reproduit, quel que soit le produit concerné, tant que la vision est claire.
C’est ainsi qu’Amazon, demain, pourrait – pourra ? – nous vendre des services bancaires. De fait, l’entreprise ne ferait que rester fidèle à son « why », que Jeff Bezos, son PDG, dévoilait il y a vingt ans à des étudiants de Harvard sceptiques : « vendre tout, à tout le monde, partout ».