25 01 2018
Ainsi, d’après une étude de l’institut Odoxa, 15 % des Français sondés ont résilié leur contrat d’assurance habitation ou automobile entre 2015 et 2016. Conscients de cette évolution du marché, les assureurs préfèrent l’accompagner plutôt que la subir. Selon la FFA, quatorze d’entre eux ont testé courant 2017 une « blockchain inter-assureurs autour de l’échange de données sécurisées » visant à faciliter et à sécuriser les mouvements de clientèle. La technologie est-elle en mesure de minimiser efficacement le risque d’attrition temporelle ? Les données peuvent-elles qualifier des prospects et éviter le churn ? Réponses d’Olivier Guyomard, co-fondateur de LineUP 7, agence de marketing technologique spécialisée dans la collecte et l’analyse des données des consommateurs.

 Pour le consommateur, il y a des moments de l’année qui sont plus propices que d’autres à des changements d’assurance – on peut penser par exemple au mois de septembre, quand se tiennent les salons de l’automobile. Mais au-delà de ces « marronniers », il y a aussi et surtout des « tournants » à ne pas manquer dans la vie d’un adhérent, par exemple l’entrée dans la vie active à la fin des études, l’achat du premier appartement, le mariage, les enfants, l’investissement dans la pierre, la préparation de la retraite… 

Pour nos clients, qui sont notamment des banques et des assurances, il est essentiel d’arriver au « bon moment » pour ne pas perdre leurs clients, mais aussi pour en conquérir. Ce « bon moment » peut se manifester de plusieurs manières. Dans le cas d’un achat d’appartement, un assureur doit arriver en amont, notamment car les établissements bancaires mettent en avant leurs propres services d’assurance. Dans le cas d’un projet davantage à court terme, comme l’achat d’un ordinateur, d’un téléphone ou même d’une voiture, le timing est évidemment différent puisque la réflexion menée en amont est plus courte.

Prenons l’exemple du premier enfant. Tous les acteurs savent qu’il survient en moyenne entre 28 et 32 ans. Mais pour fidéliser un consommateur, il faut arriver à temps, si possible avant l’accouchement, voire la grossesse. Dans le cas d’un assureur, il faut dans un premier temps recouper les données CRM, qui permettent d’identifier les types de clients susceptibles de connaître des « tournants de vie », avec des données tierces. Il peut notamment s’agir des cookies liés aux recherches menées sur Internet par le consommateur.

S’il manifeste un intérêt régulier pour les diagnostics énergétiques, l’agrandissement de son logement ou pour l’immobilier, cela peut induire qu’il va agrandir son foyer. Et probablement changer de logement à cette occasion, voire d’assurance habitation, de fournisseur d’énergie, d’abonnement téléphonique. Ces données tierces, récoltées dans le cadre de partenariats avec des spécialistes de l’immobilier permettent ensuite de créer des contenus « tests » à destination des cibles qualifiées, pour évaluer les hypothèses de départ. 

Il faut croiser les données que la banque ou l’assurance possède sur ses propres clients et prospects avec les « profils » qu’elle peut acquérir auprès de sociétés spécialisées. Au cas par cas, il faut alors développer des Data Management Platform intégrés aux PRM et CRM adaptés aux objectifs de prospection et de fidélisation. De tels dispositifs permettent d’extraire plus aisément les signaux marketing forts et faibles des prospects.

Tous les « micro-comportements » des prospects prennent de la valeur : un parcours sur le site de la banque, une requête Google, un clic sur une publicité, tout cela en dit beaucoup et plus la DMP est nourrie, plus elle est efficace et précise. Intégrées sur toute la chaine de la relation client ou prospect, ces informations peuvent permettre de déclencher des prises de contacts mais aussi d’ajuster finement le contenu proposé sur le site ou dans son programme de mailing relationnel. Chaque touchpoint gagne en pertinence, perçu comme moins intrusif il en est d’autant plus efficace.

 Les « cookies », essentiels à la mise en place de ces dispositifs, sont en effet des données personnelles. La plupart des internautes s’en accommodent, parce que cela facilite leur navigation et parce que faire sans est techniquement compliqué, ce qui facilite la récolte massive, sans que les consommateurs y adhérent pour autant. Si le législateur estime que le cookie est illégal, des pans entiers de l’économie française et européenne vont souffrir. Je pense par exemple à un fleuron hexagonal comme Criteo, qui a fait de l’utilisation des données des internautes un moyen de comprendre leurs besoins et leurs attentes. Et, surtout, cela renforcerait dangereusement la dépendance des acteurs de notre continent au tracking opéré par les Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft... Pour autant, il est évident que des processus rigoureux doivent être mis en place au sein des entreprises pour assurer une sécurisation optimum de ces données personnelles. Une problématique propre aux entreprises, qui impactera en pratique assez peu les usages quotidiens des consommateurs.