15 juin 2021

Médecin régulateur : "la crise sanitaire nous fait vivre au jour le jour"

Après m’être assurée que le patient est en sécurité, j’évalue la situation et je prescris, si nécessaire, le rapatriement et détermine les conditions de ce rapatriement : est-ce que le patient doit être accompagné par un médecin ou un infirmier ? est-ce qu’il doit être accompagné d’un proche ? Je m’appuie sur les recommandations internationales établies par notre Groupe (pour des patients atteints de maladies cardiaques, pulmonaires…) tout en faisant du cas par cas. En effet, même pour une pathologie bénigne, plusieurs éléments sont à considérer : profil du patient (âgé, en surpoids, autonomie antérieure…), conséquences de l’événement (plâtre, oxygène …), zone géographique (chaleur, humidité…) et le profil du voyage (séjour dans un hôtel, circuit touristique…).

Je travaille à l’hôpital , tout comme la plupart des infirmiers et médecins qui continuent d’y exercer à  à temps partiel. L’expérience du terrain nous permet d’être parfaitement à l’aise au téléphone pour évaluer la situation et pour mettre en place la logistique la plus adaptée pour le transport. On pourra bien faire même avec des informations succinctes. A l’hôpital, nous acquérons une grande expertise logistique, essentielle pour prescrire les choses de la façon la plus adaptée. Nous pouvons également avoir recours à des solutions digitales pour échanger avec le patient en visio, comme nos solutions VisioZen puis ViiBE. La visio assistance établit un lien physique avec le patient qui peut atténuer son stress. 

Saturation des structures de soins à l’échelle mondiale, frontières fermées, vols commerciaux annulés, quarantaines variant d’un pays à l’autre… tout est plus compliqué. Nous avons dû repenser l’ensemble de nos opérations médicales pour surmonter des défis inédits et nous adapter très rapidement à ces circonstances exceptionnelles. Vivre une pandémie mondiale lorsqu’on est loin de chez soi et de ses proches est une situation très anxiogène, d’autant plus difficile en cas d’accident ou de maladie. Au Maghreb par exemple, nous avons eu beaucoup de demandes concernant les traitements médicamenteux. Les patients qui nous contactaient étaient très stressés : « Je n’ai plus mon traitement, j’étais parti pour 2 mois et non 6 ! ». Des profils souvent âgés avec des pathologies chroniques (diabète, hypertension…). Les services postaux ne fonctionnaient plus et sans leur traitement, il y avait un gros risque qu’ils décompensent leur maladie. Nous avons pu organiser des avions sanitaires avec les autres membres du SNSA, pour l’Algérie et la Tunisie, mais cela a pris du temps.

Notre rôle est de porter assistance dans n’importe qu’elle situation. Mais nous ne sommes pas au-dessus des lois ! S’il y a des vols, nous ne sommes pas  toujours prioritaires et certaines frontières sont fermées y compris aux avions sanitaires. Nous devons alors identifier la prise en charge la mieux adaptée dans le contexte local, jusqu’à ce que le patient puisse rentrer. Notre rôle consiste à ne pas les laisser seuls. On les appelle pour nous tenir au courant de leur état de santé et de leur situation et nous leur proposons également de nous appeler. Le maître mot reste l’adaptation. La crise de la Covid-19 par ses nouvelles exigences (attestations, tests PCR, quarantaines…) nous fait vivre au jour le jour.

Tout est plus complexe : délais pour les tests, durée de la quarantaine à observer… Ce peut être un vrai casse-tête notamment d’un point de vue logistique. Par exemple, les escortes médicales peuvent être amenées à faire deux tests PCR si le rapatriement dépasse le délai de 72h ou de faire un relai avec l’équipe locale en zone internationale  afin d’éviter qu’une escorte soit mise en quarantaine à son retour. Nous travaillons en étroite collaboration avec le Ministère des Affaires étrangères. Mais dans ce contexte inédit, même les sources fiables peuvent être dépassées. Tout va très vite : dans certains pays, les changements peuvent être hebdomadaires! Nous essayons également de mutualiser les ressources pour des  évacuations sanitaires communes par le biais du SNSA (Syndicat National des Sociétés d’Assistance). Grâce à la mutualisation de nos moyens, nous avons notamment pu affréter un avion sanitaire pour rapatrier plusieurs dizaines de patients atteints de la Covid-19 bloqués en Patagonie, dont certains cas graves.
Nous continuons à faire face à des situations sanitaires complexes et des contraintes opérationnelles fortes dans certaines régions du monde. Nous nous adaptons et faisons évoluer notre réponse au jour le jour.  La crise sanitaire a profondément impacté le tourisme mais nous continuons d’observer des effets saisonniers. Lorsque les frontières rouvriront, que ce soit le besoin d’évasion ou l’effet d’aubaine de voyages bradés, il y aura un « effet vague », sans pour autant revenir aux niveaux d’avant la crise. Mais nous n’avons pas encore assez de recul. Aujourd’hui, nous traitons moins de demandes et les pathologies sont moins variées – principalement des cas Covid-19 -, mais les dossiers sont plus complexes et plus longs à traiter. Par ailleurs, nous faisons également plus de visio assistance, un réflexe désormais bien ancré dans le quotidien des Français.
[1] Sondage Ipsos réalisé online en avril 2021 auprès d’un échantillon de 1 068 individus, représentatif de la population âgée de 16 ans et plus.
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